• 26 - Défense de la courbe

    La ligne, nul n'ose en douter, c'est droit, net, précis, direct. C'est la plus chère valeur en vigueur au siècle vingt-et-unième. Avec la ligne la sécurité est pour ainsi dire parfaite. Dans cette élémentaire structure linéaire, base universelle du nivellement, fusionnent avec un égal principe de régularité et de persistance toutes les normes ayant accédé au degré supérieur de la conformité la plus stricte, la plus stable, la plus implacable.

    Sur la ligne s'étend la plus sécurisante, la plus constante, la plus juste des moyennes. D'un bout à l'autre de l'immobile schéma de rectitude, d'une extrémité à l'autre de l'immuable figure emblématique, du début au terme, en passant par le milieu, triomphe superbement l'ORDINAIRE.

    Mais dans ce monde de sérénité linéale survient parfois l'inattendu, le baroque, l'inclassable : la courbe. Obéissant à des lois fuyantes, subtiles, incarnation odieuse de la fantaisie la plus gratuite, du désordre, fruit infâme de la nouveauté, elle brise toute certitude. La courbe est rebelle par définition. Elle se détourne d'emblée d'un chemin à la droiture sans faille, sans surprise, tracée d'avance par une volonté dénuée d'imagination. La courbe se démarque surtout de la ligne par son caractère indiscipliné, fantasque, inutile.

    Elle se complait à décrire vains détours, allées et venues sans signification pratique. La courbe s'insère dans un espace d'anarchie joyeuse que la ligne, inexorablement droite, ignorera toujours. La ligne n'a pas de pire ennemie que l'ondulation. Une ligne régule, nivelle, aplanit une série de points. Alors qu'une courbe ne recèle pas ce secret inné de fatale régularité : chaque arc est unique, chaque boucle est nouvelle. De la courbe naît l'arabesque, l'image, l'onde qui donne la vibration. De la courbe naît l'imprévu, l'irrationnel, le romanesque, la rêverie, l'émotion, et c'est alors le triomphe sans équivalence de l'EXTRAORDINAIRE.

    Le monde actuel représente la ligne. Et moi, je suis la courbe.

    P.S.

    Il s'agit essentiellement de la courbe labiale provoquée par la contraction des muscles zygomatiques.

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